Interpellations sans motif: un retour en arrière demandé

Des organismes qui luttent contre le racisme du Québec proposent un «retour en arrière» concernant l’article 636 du Code de la sécurité routière, qui permet aux policiers les interceptions sans motif depuis 1990. Cet article a récemment été invalidé en Cour supérieure.
Le 25 octobre, le juge Michel Yergeau a rendu une décision qui invalide l’arrêt Ladouceur et l’article 636 qui en découle, dans le cadre du procès intenté par Jean-Christopher Luamba.
L’arrêt Ladouceur autorise les interpellations policières aléatoires sans motif depuis 1990. «Elles constituent un sauf-conduit au profilage racial», rappelle le regroupement de plusieurs organismes qui luttent contre le racisme.
Le juge Yergeau accorde un délai de six mois pour l’entrée en vigueur de sa décision. Le gouvernement a seulement 30 jours pour faire appel de la décision.

«Il serait très dommageable à l’inclusion et à la cohésion nationale d’emprunter cette voie», indique le porte-parole Mbaï-Hadji Mbaïrewaye en conférence de presse lundi.
Plusieurs organismes du Québec sont d’avis que l’article 636 devrait retrouver la définition qu’il avait avant l’arrêt Ladouceur. Les policiers pourraient donc interpeller des conducteurs seulement s’il y a un motif raisonnable de croire qu’il y a eu infraction au Code de la sécurité routière.
Dans une «dynamique constructive», le regroupement espère que le gouvernement remplace l’actuel article 636 du Code de sécurité routière par celui qui existait avant l’arrêt Ladouceur de 1990.

Les organismes exigent également que les agents fournissent un récépissé aux conducteurs arrêtés qui indique le motif et les circonstances de l’interpellation.
«On peut penser que le jugement Yergeau est bénéfique aux personnes noires. Mais il est en fait bénéfique pour tout le monde puisqu’il les protège de l’arbitraire policier, du pouvoir dont les agents peuvent abuser», soutient Alain Babineau, directeur de la Coalition rouge et ancien policier.
Les hommes présents à la conférence de presse lundi maintiennent que ce choix de rendre la province de Québec «davantage inclusive» tout en conservant «l’esprit de l’article 636» est le meilleur.
Les principaux représentants des organismes partenaires ont invité le nouveau ministre de la Sécurité publique, François Bonnardel, à discuter des différentes options. Une lettre détaillée à été envoyée à son cabinet.
Le gouvernement, toujours «pas un allié»
«C’est réel. On ne plaiderait pas pour des choses qui n’existent pas. On ne fabrique pas des affaires. C’est le temps que le gouvernement fasse face à la réalité, que le racisme systémique existe», martèle Joel DeBellefeuille, fondateur de la Coalition rouge.
L’homme a été arrêté sans motif pour la première fois en 2010. «Ils disaient que le nom DeBellefeuille sonnait blanc, pas d’une autre origine.»
Les policiers voulaient donc vérifier son identité.
Selon lui, le premier ministre François Legault aurait tout intérêt à «faire face à la réalité» et reconnaître le racisme systémique au Québec. «Sinon, il est complice de chaque cas dans la province. On va le tenir responsable jusqu’à ce que quelque chose change», ajoute M. Babineau.
«Le profilage racial peut vous faire sentir indigne, cherche à vous juger selon la couleur de votre peau, votre religion, votre sexe. Il amène un stress financier et mental, chez la victime et ses proches. C’est humiliant et marque la victime à vie. Le profilage racial est lié au racisme systémique, il est temps que le gouvernement reconnaisse sérieusement que c’est un problème croissant dans cette province», termine-t-il.
Le dernier exemple en liste de profilage racial : cet homme noir menotté et arrêté par des agents sous le motif qu’il volait un véhicule. «Il était en fait le propriétaire de cette voiture. Les policiers ont automatiquement pensé qu’il était un voleur, parce qu’il était noir», note Joel DeBellefeuille.
Profilage racial à Québec
La Ligue des droits et libertés (section Québec) réalise actuellement deux études sur le profilage racial dans la ville de Québec. Selon les données recueillies jusqu’à maintenant, les personnes racisées se font davantage interpeller au volant que dans les lieux publics.
«Les deux études nous amènent à considérer que le profilage racial existe, qu’il se pratique sur le territoire de Québec. Le dernier jugement est donc extrêmement pertinent pour notre cause», maintient Maxim Fortin, porte-parole de l’organisme.
«Le profilage racial est un enjeu qui nécessite qu’on le documente, qu’on l’étudie. Ce que plusieurs groupes de recherches font en ce moment comme nous», ajoute-t-il.
Maxim Fortin indique également que les données qu’il détient montrent que les interpellations sans motif sont plus fréquentes chez les jeunes.

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